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Rubrique Mare Nostrum sur Philagora  http://www.philagora.net/mar-nos/mar-nos.htm

La Grèce d'ailleurs.

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-La préparation d'un voyage en Libye m'a fait prendre conscience que cette terre, plus connue pour ses déserts, ses gravures rupestres et les combats qui s'y déroulèrent lors de la guerre de 39-45, était, au moins dans sa partie nord-est, qu'on appelle la Cyrénaïque, un des plus beaux fleurons de l'hellénisme. 

Elle a toute proche, du côté égyptien, il est vrai, l'oasis de Siwa et ce temple de Zeus-Ammon, où Alexandre prit la peine de faire pèlerinage, pour obtenir du dieu la confirmation de sa filiation divine. Cette démarche en dit long sur le courant religieux qui unissait la Grèce continentale aux bords méridionaux de la Méditerranée. 
La guerre, l'oppression, la misère, et toutes sortes de raisons personnelles avaient depuis longtemps poussé les Grecs à l'exil, mais ils emportaient avec eux leur bagage de traditions et de croyances, recréant dans chacune des colonies qu'ils fondaient un peu de cette patrie qu'ils avaient dû quitter. 
En Syrie, sur la Mer Noire, en Italie, en Provence, en Espagne, nous retrouvons ces Grecs d'ailleurs, tous différents et tous mystérieusement semblables.
Cyrène-en-Grèce. 

La Cyrénaïque a été colonisée, au VII° siècle avant Jésus-Christ, par des Grecs venus de l'île de Santorin, qu'on appelait alors Théra. 

Malgré l'éloignement de la distance et des années, des liens très forts persistaient entre ces émigrés "économiques" et leur patrie d'origine. Et tous ceux qui, comme eux, avaient dû quitter le pays pour s'établir ailleurs conservaient cet attachement à la terre grecque.

Disséminés sur le pourtour de la Méditerranée, ces transplantés gardaient le sentiment de leur identité grecque. Il était entretenu par des échanges économiques, une langue et une culture de base communes, et surtout une tradition religieuse très vivante.

De toute la diaspora, des fidèles affluaient vers la métropole, pour les pèlerinages, les consultations oraculaires, les fêtes, les jeux. Chaque cité avait à cœur d'offrir aux grands sanctuaires les plus beaux témoignages de son art et de sa prospérité. C'est ainsi qu'à Delphes, le Trésor de Cyrène, voulait rappeler par ses proportions savantes, l'illustre école de mathématiques de cette ville. 

Les grandes compétitions sportives, les jeux pythiques et les jeux olympiques, pour se limiter aux deux plus connus, étaient l'occasion par excellence de valoriser sa cité. Quelle gloire, en effet, pour une lointaine colonie d'Afrique ou d'Orient, de voir un de ses fils triompher dans ces rencontres prestigieuses! On ne pouvait alors faire moins que d'honorer l'athlète rentré dans son pays comme le vainqueur l'était dans tout le monde grec, par des cérémonies religieuses et artistiques, où des poèmes rythmés, interprétés par le chant choral, les instruments de musique et les mouvements de la danse, magnifiaient le héros.
A trois reprises, le poète Pindare, un des chantres des Jeux Panhelléniques les plus à la mode au début du V° siècle avant J.C., et sans doute le plus grand, fut appelé à célébrer une victoire libyenne dans l'entourage du souverain de Cyrène, Archésilas. Le poète puise dans un patrimoine commun à tout l'hellénisme pour mettre, dans ses odes, la Libye légendaire en étroite continuité avec la tradition mythologique. 

Voici comment, dans la IX° ode pythique, il met en lumière l'origine divine et grecque de Cyrène, qui a été le nom d'une jeune fille, avant d'être celui de la ville. :

"Je veux, avec les Grâces à l'ample ceinture, annoncer la victoire pythique que Télésimaque de Cyrène a gagnée en portant le bouclier d'airain ( à la course à pied). Je veux chanter ce mortel fortuné, parure de Cyrène, bonne conductrice de chars. 

Jadis, des vallées du Pélion où le vent souffle en tempête, Apollon, le dieu chevelu, ravit cette vierge chasseresse et l'emporta sur son char d'or jusqu'en Libye, contrée féconde en troupeaux et en fruits, pour l'y établir en souveraine. Il lui donna comme résidence cette terre riante, troisième partie du monde après l'Europe et l'Asie, pour qu'elle y prospérât.

Cyrène aux bras admirables dédaignait le va-et-vient de la navette. Elle dédaignait la joie des festins partagés avec ses compagnes, auprès du foyer. Javelot d'airain ou glaive en mains, elle combattait contre les bêtes fauves et les détruisait. Elle assurait une longue et tranquille paix aux troupeaux de son père et ne perdait guère les heures matinales à goûter la douceur de ce bon compagnon, le sommeil.

Elle luttait contre un lion terrible, toute seule, sans armes, le jour où la trouva le dieu au vaste carquois, Apollon qui lance ses traits au loin...
"
La suite de l'aventure est reprise sous forme d'une prophétie à Apollon: 

"Tu es venu dans ce vallon pour être l'époux de cette vierge, et tu vas l'emporter outre-mer, au jardin merveilleux de Zeus-Ammon (l'oasis de Siwa). Là, tu la feras reine d'une ville où tu rassembleras sur une colline qu'une plaine entoure des gens de l'île de Théra. Voici que l'auguste Libye aux vastes prairies va recevoir de ta main avec joie la glorieuse fiancée dans son palais d'or et lui donner aussitôt un légitime domaine, où ne manquent ni les fruits de toute espèce, ni les bêtes fauves".

Les Libyens, selon Pindare, sont donc d'authentiques descendants des grecs! Il n'est pas facile d'être de deux pays à la fois.
Cette diaspora, en porte à faux entre la fierté de ses origines et les complexes que lui donne son éloignement de la Métropole, un Grec d'Alexandrie, en a saisi l'esprit mieux que personne, c'est Constantin Cavafy (1863-1933). 
Voici comment ce poète nous décrit un jeune Libyen en visite à Alexandrie, devenue, au temps des Ptolémées, la capitale de l'hellénisme, à la place d'Athènes, qui a perdu sa prépondérance. Le garçon a grand peur de se ridiculiser par sa gaucherie de provincial!

Prince de Libye Occidentale:

Pendant les dix jours qu'il séjourna dans Alexandrie, 
Le prince de Libye Occidentale,
Aristomène, fils de Ménélas,
Fit généralement bonne impression.
Comme son nom, sa tenue était grecque et de bon goût.
Il acceptait volontiers les honneurs,
Mais il ne les recherchait pas: il était modeste.
Il achetait des livres grecs,
En particulier de l'histoire et de la philosophie.
C'était surtout un homme qui parlait peu.
Ce devait être un esprit profond, disait-on,
Et de telles gens sont d'un naturel peu loquace.
Ce n'était ni un esprit profond, ni rien de pareil:
C'était un homme ordinaire, ridicule. 
Il avait adopté un nom grec, s'habillait comme les Grecs, 
Il avait appris en gros à se comporter comme eux,
Et il tremblait de toute son âme à l'idée
De ruiner l'assez bonne impression qu'il avait faite,
Si jamais il laissait échapper d'horribles barbarismes
Et s'attirait par là les habituels sarcasmes des Alexandrins, 
Maudits soient-ils!
Voilà pourquoi il se bornait à quelques mots,
Surveillait anxieusement ses désinences et sa prononciation, 
Et il se morfondait de devoir garder en lui 
Tant de paroles rentrées.


Ce poème, traduit par Socrate Zervos et Patricia Portier, est tiré des Oeuvres Poétiques de Constantin Cavafy, aux éditions de l'Imprimerie Nationale (1991). 

Je ne saurais assez vous recommander de vous plonger dans ce volume. Toute la Grèce y vit, avec une justesse et un naturel stupéfiants. Mais qui ne connaît et n'aime Cavafy!

Texte de Jacqueline Masson

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