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Dieu et la nature, Dieu et la
Nature?
De la bonté des ouvrages de Dieu:
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Leibniz contre Descartes et Spinoza.
"Ainsi, je suis fort
éloigné du sentiment de ceux qui soutiennent qu'il n'y a point de
règles de bonté et de perfection dans la nature des choses, ou dans
les idées que Dieu en a et que les ouvrages de Dieu ne sont bons que
par cette raison formelle que Dieu les a faits... C'est par la
considération des ouvrages qu'on peut découvrir l'ouvrier. Il faut
donc que ces ouvrages portent en eux son caractère. J'avoue que le
sentiment contraire me paraît extrêmement dangereux et fort approchant
de celui DES DERNIERS NOVATEURS (Spinoza et ses
disciples), dont l'opinion est que la beauté de l'univers, et la bonté que nous
attribuons aux ouvrages de Dieu, ne sont que des chimères des hommes
qui conçoivent Dieu à leur manière. Aussi, disant que les choses ne
sont bonnes par aucune règles de bonté, mais par la seule volonté de
Dieu, on détruit, ce me semble, sans y penser, tout l'amour de Dieu et
toute sa gloire car pourquoi le louer de ce qu'il a fait s'il serait
également louable en faisant tout le contraire? Où sera donc sa
justice et sa sagesse, s'il ne reste qu'un certain pouvoir despotique,
si la volonté tient lieu de raison, et si, selon la définition des
tyrans, ce qui plaît au plus puissant est juste par là même? Outre
qu'il semble que toute volonté suppose quelque raison de vouloir et que
cette raison est naturellement antérieure à la volonté. C'est
pourquoi je trouve encore cette expression DE
QUELQUES AUTRES PHILOSOPHES (Descartes,
en premier) tout à
fait étrange, qui disent que les vérités éternelles de la
métaphysique et de la géométrie et par conséquent aussi les
règles de la bonté, DE LA JUSTICE et de la perfection ne
sont que des effets de la volonté de Dieu, au lieu qu'il me semble, que
ce ne sont que des suites de son entendement, qui, assurément ne
dépend point de sa volonté, non plus que son essence."
Leibniz, DISCOURS DE
METAPHYSIQUE, II |
Dans la lettre au
père Mesland du 2 Mai 16644 (Pléiade page 1167) Descartes affirmait:
"Encore que Dieu ait voulu que quelques vérités fussent
nécessaire (par exemple: las
trois angles d'un triangle sont égaux à deux droits),
ce n'est pas dire qu'il les ait nécessairement voulues car c'est tout
autre chose de vouloir qu'elles fussent nécessaires, et de le vouloir
nécessairement ou d'être nécessité à le vouloir." Pour
Descartes, les vérités théoriques (par exemple les contradictoires
ne peuvent être ensemble) ont une origine dont elles procèdent: elles
ne sont donc pas ce qui permet de connaître Dieu, c'est dire que
l'intelligibilité est dépassée par Dieu, que Dieu ne peut être
compréhensible à partir de ce qu'il crée: cette distance exclut
le panthéisme: il n'y a pas de pont entre l'infini mathématique
et l'infini divin. Comme le Dieu de Spinoza Dieu n'agit que par
rapport à lui même (Ethique, App. & 64).
Au contraire, dans ce
texte, Leibniz pense qu'il ne peut y avoir de volonté sans raison:
une décision immotivée ne peut être louée: il serait d'ailleurs
contradictoire de louer deux attitudes opposées. Toute volonté
présuppose la représentation du résultat que l'on attend de
l'action, suppose donc quelque raison de vouloir. Dire que Dieu
connaît les choses en même temps qu'il veut revient à dire qu'il
les veut sans les connaître. (cf. Leibniz, Lettre à Molarius: "Le
Dieu de Descartes n'a pas de volonté ni d'entendement, puisque, selon
Descartes, il n'a pas le Bien pour objet de la volonté ni le Vrai
comme objet de l'entendement.")
Reste que Descartes,
arrache Dieu à la nécessité qui le soumettrait à la logique: les
vérités éternelles sont arbitrairement nécessaires. On
évite l'errance qui amène Suarez à proférer: "Si Dieu
n'existait pas elles (les
vérités éternelles)
resteraient vraies."
Dieu est donc cause totale, la cause de la totalité de l'effet. (Voir
les trois lettres de 1630, 15 Avril, 6 Mai, 27 mai: Descartes arrache
Dieu à la nécessité morale). Le soleil n'est que cause universelle.
L'idée de Dieu comme idée d'infini est à la fois
incompréhensible à partir de ce qu'il crée et la plus claire comme
cause totale.
Spinoza remarque que "Si Dieu agit pour une fin (le Bien) il
appète nécessairement quelque chose de quoi il est privé"
(Ethique I app. 105).
C'est en Dieu une même
chose de vouloir, d'entendre et de créer: "en Dieu videre et
velle (voir et vouloir)
ne sont qu'une seule et même chose":
"Puisque tu vois ces choses elles sont" dit Saint
Augustin à Dieu (Confessions, XIII, 38)
Piste de lecture: Jean Luc
Marion: Sur la théologie blanche de Descartes. Analogie, création des
vérités éternelles. PUF, Paris, 1981
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